Elles ont eu plusieurs fois des jumeaux : ces mamans racontent leur quotidien pas comme les autres

Elles ont eu plusieurs fois des jumeaux : ces mamans racontent leur quotidien pas comme les autres

Par Johann Foucault Publié leActuVoir mon actu

« J’ai eu quatre enfants en 3 ans et demi ». Ne cherchez pas, c’est relativement simple. Marion a eu des jumeaux… deux fois. Lucie et Margot* ont aujourd’hui 9 ans, et Victor et Constance*, 5 ans et demi.

Au quotidien, être parents de « multiples » (jumeaux, triplés, quadruplés…) comme on les appelle, c’est du sport. Alors quand comme Marion, on a deux « paires » de jumeaux, cela vire au marathon.

D’ailleurs si la maman de 39 ans, habitant dans l’Isère, accepte de nous raconter son expérience personnelle au téléphone, pas le temps pour elle de se reposer pour autant, elle continue de vaquer en même temps à ses occupations. Il y a du ménage qui n’attend pas, du rangement… Et le temps est précieux. Surtout en cette période de confinement, avec une semaine de classe à la maison et deux semaines de vacances de Pâques.

Deux paires de jumeaux à gérer : un joyeux bordel

Comme Marion, Cécilia, 34 ans, résidant en Seine-Maritime, a aussi donné naissance à des jumeaux, deux fois. Alex et Clément sont bientôt âgés de 7 ans et Diane et Bastien ont eu 1 an.

Comme Marion, Cécilia sait aussi qu’il ne faut absolument pas se laisser déborder par les nombreuses tâches qui accompagnent la gestion de deux paires de jumeaux.

Marion, qui travaille à temps partiel dans une crèche, confirme. Avec ses enfants de 9 ans et 5 ans et demi, les premières années à six dans le foyer ont été rythmées.

« Maintenant que mes enfants grandissent et que mon temps de travail est mieux organisé dans la semaine, j’arrive à trouver des moments où je fais des choses qui ne sont pas indispensables mais qui me permettent de me ressourcer un peu. Avant, ce n’était pas possible ».

L’organisation : le nerf de la guerre

Pour arriver à sortir la tête de l’eau, il faut être organisé et savoir anticiper. Parce que le temps file à grande vitesse.

Pour Marion, le réveil quotidien est à 5h45 quand elle travaille, 6h15 sinon.

Car après il faut bien préparer les quatre enfants pour l’école, puis se rendre au travail ou gérer la maison. « Les jours où je ne travaille pas, je cale les rendez-vous chez le médecin, fais les courses, effectue les démarches administratives, traite les mails, fais le ménage, le tri, maintient un minimum d’ordre dans la maison… »

Et au retour de l’école, il faut faire les devoirs, jouer, préparer le repas, les faire manger, prendre les douches, gérer le coucher… Après seulement, c’est le moment pour souffler un peu, « vers 21 heures» . A moins qu’il n’y ait encore des choses à faire, voire la journée du lendemain à anticiper.

« Le plus difficile pour moi, confie Cécilia, c’est le linge ! Ça revient trop ! On a dû s’équiper d’une machine à laver et un sèche-linge de 13 kg de capacité ! Et il ne faut pas que ça tombe en panne. Si on a une journée de retard, on le ressent tout de suite. »

Le reste, c’est « gérable » selon Cécilia, malgré un réveil matinal bien souvent en même temps que son conjoint, à 4 heures du matin. Elle aussi travaille à temps partiel, dans la fonction publique.

Quant à Marion, le plus difficile c’est « d’être en permanence en train de devoir se couper en deux puis en quatre. Très souvent, je trouve que les demandes de mes enfants sont légitimes, ils ont raison d’avoir envie que je fasse un jeu avec eux, de me montrer ce qu’ils ont fait à l’école… Sauf que je n’arrive pas à faire des choses avec quatre enfants différents qui me demandent des choses différentes ».

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Accepter le soutien

L’un des pièges à éviter : penser qu’il est possible de tout faire, sans aide extérieure. « La première année, c’est difficile d’y arriver toute seule, reconnaît Marion, il faut accepter de se faire aider ». Les deux mamans l’ont compris grâce au soutien de l’association Jumeaux et plus, dont est marraine Elodie Gossuin, elle-même maman de deux paires de jumeaux.

En partageant leurs expériences, les parents d’enfants multiples découvrent qu’ils ont vécu la même aventure, ce qui facilite « l’échange et la libération de la parole avec les familles », explique à actu.fr Isabelle Sudre, déléguée nationale de la Fédération Jumeaux et plus, qui a accompagné en 40 ans d’existence plus de 500 000 familles. Et les difficultés rencontrées sont bien souvent les mêmes :

Marion se souvient lorsqu’on lui a annoncé sa première grossesse gémellaire.

« Ça a été une grosse surprise. J’ai eu un gros moment de panique. Je me suis dit mais comment je vais faire ? »

Une situation que n’a pas vécue Cécilia, elle dont la mère a une jumelle et la grand-mère paternelle aussi. « J’avais prévenu mon mari : on risque d’avoir des jumeaux et je sens que ça va tomber sur nous ». Aussi, pas de grande surprise si ce n’est une naissance prématurée à gérer et toutes les inquiétudes que cela implique. Mais sinon « ça s’est bien passé », relate Cécilia, sereine, qui ne s’attendait pas à retomber enceinte une deuxième fois, surtout qu’elle avait un stérilet. A l’examen gynécologique, c’était clair : « j’étais enceinte de 4 mois et demi et c’était de nouveau des jumeaux ».

Comme pour Marion, pour laquelle l’annonce de sa deuxième grossesse a provoqué un fou rire. « C’était la grosse blague, mais on n’a pas eu peur cette fois-ci parce qu’on s’est dit qu’on avait su faire la première fois. On avait juste oublié que la différence énorme c’est qu’on avait deux petites de 3 ans et demi qu’il allait falloir gérer en plus. »

Un pic de naissances de jumeaux dans le monde

Il n’y a jamais eu autant de naissances de jumeaux. « Plus de 1,6 million de paires de jumeaux naissent chaque année dans le monde », selon une étude publiée dans la revue scientifique « Human reproduction ». La raison : notamment l’augmentation de la procréation médicalement assistée (PMA) et des maternités plus tardives. Ainsi, depuis les années 1980, les naissances gémellaires ont augmenté d’un tiers, selon cette étude, à laquelle a participé Gilles Pison, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, chercheur associé à l'Institut national d'études démographiques, et membre du comité scientifique de l'association Jumeaux et plus.Au sein de la Fédération nationale qui regroupe 81 associations locales, ce comité scientifique composé de professeurs, pédiatres, réanimateurs néo-natal, obstétriciens, psychologues... permet d'apporter son expertise sur les jumeaux et de former les 800 bénévoles sur le terrain, tous parents de multiples, jumeaux, triplés ou plus.

50% de naissances prématurées

Depuis 16 ans qu’elle accompagne les futures mamans d’enfants multiples, Isabelle Sudre ne compte plus les fois où les mamans lui confient :« en fait je m’attendais à ce que soit beaucoup plus dur que ça ! ».

Un aveu qui ne masque toutefois pas de véritables enjeux :

Aussi l’association réalise un travail de prévention de la prématurité, nécessaire pour amener les futures mamans « le plus loin possible dans leur grossesse ».

Pas évident pour le couple

A ce stress de la prématurité s’ajoute celui de la gestion d’enfants jumeaux. « Si on n’est pas préparé ni accompagné, honnêtement, ça peut devenir très compliqué, reconnaît la déléguée nationale, elle-même maman de jumeaux. On voit des couples qui vacillent parce que chacun se renferme dans sa difficulté, le couple ne se parle plus et puis chacun a la tête dans le guidon, et ça devient très compliqué. » Marion le reconnaît :

Cécilia en est persuadée : « il faut réussir à trouver des petits moments ensemble, il ne faut pas s’oublier non plus ». De temps en temps, elle et son conjoint font garder les enfants, pour aller au restaurant, faire une balade en moto…

Heureusement, elle et Marion peuvent compter sur le soutien de leur entourage familial. Et Marion n’a pas hésité à faire appel pour ses premiers enfants à des travailleuses familiales et à des étudiantes sages-femmes, qui venaient apporter leur aide.

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Une lourde charge mentale pour les femmes

Pour les mamans, la situation est d’autant plus compliquée qu’elles sont le plus mobilisées au quotidien, pour une raison simple : le budget. « Avec des jumeaux, le budget fait fois deux, voire plus », souligne Isabelle Sudre. Changement de voiture pour un véhicule sept ou neuf places, parfois déménagement, matériel de puériculture, couches, lait… la facture grimpe vite et il faut assurer financièrement, en recherchant les bons plans et en optant pour des dépenses raisonnées, que ce soit pour les courses, les activités de loisirs, les vacances…

Certes, un congé parental existe bien, réparti en deux ans pour un parent, plus un an pour l’autre. Mais comme « les modes de garde ne sont pas suffisants en nombre », pointe la déléguée nationale, « les femmes prennent moins le congé parental ou alors elles le prennent et démissionnent parce qu’elles ne trouvent pas de solution pour la troisième année ». Elle ajoute :

L’une des conséquences de cette « précarisation des femmes » : « tous les jours, soulève Isabelle Sudre, on a des familles et des femmes en pleurs au téléphone, c’est une vraie problématique ».

Mais on les aime

Une fois passées les difficultés que cela représente au quotidien, Cécilia et Marion le reconnaissent : ce n’est que du bonheur.

« Et on a double dose de câlins, double dose de cadeaux à la fête des mères… On a double dose de tout : on a double dose de fatigue mais aussi double dose d’amour, d’attention… » sourit Marion, qui se remémore ces moments précieux de tendresse entre ses deux bébés, inséparables. « Quand tu vois des bébés de un mois, la main dans la main, la tête contre la tête, à se faire des câlins, rien que ça, ça donne des forces pour gérer tout le reste, c’est tellement craquant ! ».

Et Marion comme Cécilia de reconnaître toutes les deux que la relation privilégiée qu’entretiennent leurs enfants entre eux du fait de leur gémellité constitue une force, fascinante. De là à remettre le couvert ? Pas si sûr…

*Leur prénom a été modifié.

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