Pas facile de voyager avec sa fille handicapée | JDM

Pas facile de voyager avec sa fille handicapée | JDM

Une mère de Montréal déterminée à voyager avec sa fille lourdement handicapée doit passer des heures au téléphone avec sa compagnie aérienne, apporter des kilos de nourriture et de l’équipement spécialisé coûteux pour partir l’esprit tranquille.

« Les premières fois que j’ai parlé de voyage à des parents d’enfants handicapés, ils m’ont dit que j’étais folle, se rappelle Aurélie Pouteau. Beaucoup sont découragés. »

Cette expatriée d’origine française ne voulait pas priver sa fille de 6 ans, Alis, atteinte d’une rare malformation du cerveau, du plaisir de rendre visite à sa famille outre-Atlantique. Quitte à devoir organiser ses voyages des semaines à l’avance.

« Voyager avec elle, c’est 10 fois plus dur, concède la mère. Mais si on le fait chaque année depuis quatre ans, c’est bien que c’est possible. »

La petite Alis doit être transportée dans une poussette adaptée qui maintient sa tête et son tronc, sans quoi elle s’effondrerait.

« Celle que fournit la RAMQ pèse 22 kg. C’est compliqué à emporter. Du coup, nous avons acheté un modèle plus adapté au voyage, précise la mère. Ça nous a coûté 3000 $, mais on ne le regrette pas. »

Préparation

Si la petite Alis adore l’avion, qu’elle considère comme un manège, la faire monter à bord nécessite de la préparation.

Mme Pouteau explique qu’elle prend toujours soin d’appeler la compagnie aérienne un mois à l’avance pour informer le personnel du handicap de sa fille.

« Même si on l’indique lors de la réservation en ligne, ça ne suffit pas. Il faut toujours réexpliquer les mêmes choses, regrette la femme. Cela dit, en général, les gens sont compréhensifs. On nous a déjà offert un siège de plus pour pouvoir l’allonger. »

Aurélie Pouteau et son conjoint doivent s’assurer que la poussette adaptée soit mise de côté pendant le vol et ne se retrouve pas avec les autres bagages en soute.

« Ça nous est déjà arrivé et on s’est retrouvés à devoir porter Alis pendant de longues minutes en attendant nos valises devant les tapis roulants, raconte la travailleuse sociale. C’est difficile, dans ce cas-là, car elle bouge beaucoup et elle a du mal à tenir sa tête. »

Les bagages doivent eux aussi être préparés avec soin. Le handicap de sa fille oblige Aurélie Pouteau à faire des provisions.

« Cet été, pour trois semaines, j’emporte 18 boîtes de lait en poudre », explique-t-elle.

Cet ingrédient est indispensable, car Alis ne peut pas mâcher en raison de sa dysphagie.

Pas facile de voyager avec sa fille handicapée | JDM

Provisions

« Une boîte coûte 70 $ et, si je dois en acheter à l’étranger, la RAMQ ne me remboursera rien », explique Mme Pouteau.

Côté activités, les parents d’Alis s’adaptent à son rythme et à ses limitations pendant les vacances.

« On ne peut pas aller au restaurant, à cause de ses troubles du comportement et de son besoin d’attention constant. Mais on fait des promenades, on passe du temps en famille ou sur une plage adaptée. »

Aurélie Pouteau en profite. Un jour, Alis sera trop grande et trop lourde pour être manipulée, et voyager deviendra impossible.

« Je ne sais pas combien d’années on pourra continuer. Je préfère ne pas y penser, confie-t-elle. Vous savez, les parents d’enfants handicapés fonctionnent tous un peu comme ça, au jour le jour. »

Les indispensables d’Alis en voyage

Elle veut aider les parents en difficulté

La mère d’un enfant de 10 ans atteint de paralysie cérébrale et d’épilepsie réfractaire a créé un organisme à Montréal pour faciliter la vie de parents comme elle pendant les vacances.

« Chaque été, lorsque l’école s’arrête, beaucoup de parents d’enfants multihandicapés se demandent comment ils vont pouvoir s’occuper de leur enfant, constate Nathalie Richard, fondatrice de l’organisme L’Étoile de Pacho. C’est d’autant plus difficile pour les couples dans lesquels les deux parents travaillent. »

Mme Richard précise que plusieurs parents d’enfants lourdement handicapés qui vivent déjà dans la précarité se trouvent obligés de prendre des congés sans solde en été pour s’occuper d’eux.

C’est pour les aider qu’elle a créé L’Étoile de Pacho.

« Nos enfants ont besoin de recevoir des traitements à heures fixes et d’être surveillés par des personnes formées, explique la mère. Il n’y a pas beaucoup de solutions pour nous pendant les vacances et les parents ne sont pas toujours au courant de celles qui existent. »

Peu de camps

Si les camps de jour pour enfants handicapés sont nombreux au Québec, plus rares sont ceux qui disposent du personnel nécessaire pour prendre en charge des enfants souffrant de plusieurs handicaps lourds.

« Dans nos camps, nous avons des infirmières, des ergothérapeutes et même des diététiciennes, commente Suzy Guérin, directrice des affaires administratives et corporatives de la Société pour les enfants handicapés du Québec. Mais il est parfois difficile de trouver du personnel qualifié et certains établissements ne sont pas toujours en mesure d’accepter tous les enfants. »

Nathalie Richard explique ainsi qu’à Montréal, seuls trois établissements sont en mesure de prendre en charge son fils David.

Le camp qu’elle a choisi cette année lui coûte 900 $ pour cinq semaines, mais certains peuvent faire payer plus du double.

Ces camps jouent un rôle important pour les parents d’enfants lourdement handicapés, qui renoncent souvent à prendre des vacances « classiques » en famille.

« Il y a tellement de paramètres à prendre en compte que ça peut vite devenir de la gestion de projet plus que des vacances, explique Nathalie Richard. L’enfant peut aussi angoisser d’être en terrain inconnu et, si ni lui ni les parents ne peuvent se détendre, cela n’a pas beaucoup de sens. »

Ils s’envoleront sans leur fils de 3 ans

Photo courtoisie
Sophie Asselin et son conjoint partiront en vacances avec leur fils Xavier, 5 ans, mais sans son frère handicapé Charles, 3 ans, ici dans les bras de son père.

Un couple de Montréal a fait le choix douloureux de partir en vacances sans son fils de 3 ans, atteint d’un retard de développement qui l’empêche de parler ou de se nourrir seul.

« C’est une décision très difficile, dit Sophie Asselin. Mais c’est sans doute plus sage. Partir dans un nouvel environnement est très stressant pour Charles. »

Son jeune fils est atteint du syndrome d’Angelman, un trouble grave du développement neurologique. Il dort très mal, ne parle pas et ne peut ni mâcher sa nourriture ni boire sans aide.

« Au départ, je pensais l’emmener avec nous, mais mon conjoint était trop anxieux, raconte la mère de deux enfants. Il s’inquiétait de savoir ce qui se passerait là-bas si la poussette adaptée se brisait ou si Charles était victime de l’une de ses crises d’épilepsie. »

Pendant que ses parents et son frère Xavier, âgé de 5 ans, passeront deux semaines en Alsace, Charles restera donc chez ses grands-parents.

Décision difficile

Ce sera la première fois que Sophie Asselin se sépare si longtemps de son fils.

Cette ergothérapeute a déjà vécu les problèmes qui se posent lorsque l’on voyage avec un enfant multihandicapé.

« Ma mère a un chalet pas trop loin de Montréal dans lequel nous sommes déjà allés, se rappelle-t-elle. C’est tout de même compliqué. Il n’y a rien là-bas, donc il faut apporter de la nourriture, sauf qu’avec la poussette de Charles et tout l’équipement nécessaire, il n’y a plus de place pour quoi que ce soit d’autre dans la voiture. »

Sophie Asselin a d’ailleurs renoncé à rendre visite à son cousin de Québec dans un appartement situé au troisième étage d’un immeuble. La poussette adaptée de son garçon ne passe pas dans les escaliers.

« Je ne peux pas la laisser dans le hall de l’immeuble, déplore-t-elle. Elle coûte 5000 $ et j’aurais trop peur qu’on me la vole. »

Sensations

Malgré ces obstacles, Mme Asselin ne renonce pas définitivement à faire avec son fils des déplacements plus modestes que ce voyage en France.

« Même si Charles ne peut pas se faire de souvenirs à cause du syndrome dont il est atteint, il peut tout de même profiter de sensations comme la fraîcheur de l’eau, par exemple », dit la mère de famille.

En ce qui concerne le grand frère de Charles, Xavier, qui ne souffre, lui, d’aucun handicap, ses parents tentent toujours de lui expliquer les choses le plus simplement possible.

« S’il nous demande pourquoi Charles ne vient pas en France avec nous, on lui dira qu’il est parti chez ses grands-parents, explique la mère. Pas besoin d’en rajouter sur le syndrome de son frère et de l’accabler avec ça. Il comprend bien la situation. »