Tendance « Royalcore » : comment les princes et princesses ont percé sur TikTok
Entre les robes de princesses et les dégaines de chevaliers, la mode traverse une faille spatio-temporelle. Des collections de luxe aux hashtags dédiés sur Instagram et TikTok, la tendance aux vêtements royaux prend de l’ampleur. Faut-il y voir une mélancolie royaliste ou une simple envie de déjouer les couloirs du temps ? Décryptage.
Sur TikTok et Instagram, les hashtags relatifs au « Royalcore » cumulent des centaines de millions de vues. Du « Knightcore » (dit tendance chevalier) au « Regencycore » en passant par le « Princesscore », ces mots-clés désignent un vestiaire propre à l’époque médiévale jusqu’à celui de la Régence anglaise. Cet engouement pour la mode de cette époque se ressent aussi sur les ventes en ligne, puisque, dans son dernier rapport, la plateforme de shopping mode Lyst a noté une hausse de 23% en 2021 dans la recherche de corset, pièce phare de la tendance « Regencycore ».
En s’inspirant des reines et princesses, la tendance du « Princesscore » reprend l’esthétique gracieuse et délicate de ces dernières et se base essentiellement sur des longues robes volumineuses, des crinolines, des tissus fluides et riches, des corsets, et des accessoires tels que des diadèmes ou des gants seconde peau. Parmi les pionnières de la tendance, la Tiktokeuse @Porsharenaehall, auto-proclamée « princesse moderne » et suivie par plus d’un million d’abonnés, alterne entre mises en scène des tenues de princesse de différentes époques et décryptages de l’esthétique royal. Un contenu à la fois kitsch et ludique.
L’influence de la pop culture et des séries d’époque
Dans la mode, le chevaleresque a refait surface lorsque Balenciaga a présenté lors de sa collection automne-hiver 2021 des solerets à poulaine. Notamment adoptées par Cardi B, ces grandes bottes en acier à bouts longs et pointus ambiance Godefroy de Montmirail dans « Les Visiteurs » ont impulsé un retour décomplexé au médiéval. Dans la foulée, Lil Nas X y a aussi succombé et débarqué au MET Gala en septembre dernier, vêtu d’une cape dorée digne d’un roi d’antan sous laquelle se cachait une armure de chevalier, dorée également. Deux tenues signées Versace qui incarnent à la perfection le Royalcore.
Lil Nas X au MET Gala 2021 et Cardi B en cover du magazine "Interview" © John Shearer et Taylor Hill / Getty Images © Instagram @cardib
Mais plus qu’un simple remake de « Game of Thrones » version bling, la tendance s’inspire surtout des codes de la Régence anglaise avec le succès de la série Netflix « La Chronique des Bridgerton », diffusée fin décembre 2020. L’arrivée imminente de la deuxième saison annonce sans doute une déferlante de robes à fleurs et à froufrous. Besoin d’inspiration ? Il n’y a qu’à regarder du côté de chez Simone Rocha, adepte des diadèmes, rubans de satins, dentelle, broderie anglaise et autres robes volumineuses à jupons et en tulle. Idem chez Erdem, qui propose dans sa collection printemps-été 2022 des longues robes au style édouardien, ou chez la marque Selkie, spécialisée dans les robes de princesse, version moderne.
Simone Rocha SS22 et Erdem SS22 ©Imaxtree
Entre régression et réappropriation culturelle
Si l’influence des films et des séries joue un rôle dans le come-back de ces habits d’antan, c’est aussi toute une part de rêve tournée vers le passé qui impacte les vestiaires. La nostalgie du vêtement est-elle un déni de l’avenir ? Pour Julien Maelström, auteur et consultant en Histoire dont le compte Instagram (@julienmaelstrom) raconte et décrypte brillamment l’Histoire de la mode, « regarder le passé, c’est aussi voyager dans une contrée lointaine, où les gens s’habillent, vivent et pensent d’une manière tout à fait différente de la nôtre ». Pour l’auteur, les codes ayant énormément changé au fil du temps, le Royalcore est aussi une manière de remettre en question ceux d’aujourd’hui et d’adopter une plus grande latitude imaginaire : « Les codes de pouvoir, de beauté, de richesse, ou de genre ont énormément varié selon les époques. (…) Se tourner vers l’Histoire pour explorer ces fluctuations fait relativiser l’importance des codes de notre société de 2021, et, je l’espère, les fait évoluer. » Mais selon Julien Maelström, d’autres facteurs peuvent aussi expliquer cet élan passéiste, comme les discours autour de la décolonisation culturelle qui nous poussent d’autant plus à fouiller le passé culturel occidental. Alors, prête à jouer les princesses ?