On ose en parler : j'ai peur d'être seul(e) avec mon bébé

On ose en parler : j'ai peur d'être seul(e) avec mon bébé

Par Clémentine ThineyMis à jour le PartagerEnvoyer par e-mail
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Je certifie ne pas envoyer d'e-mail indésirableDevenir parent est synonyme de grand changement. Un bébé, aussi petit soit-il, est un véritable tsunami ! Marie Costa, coach parentale, et le docteur Jacq, psychothérapeute, vous rassurent, et vous donnent quelques astuces pour ne plus avoir peur d’être seul(e) avec votre bébé.

De nos jours, la parole autour des difficultés liées à la parentalité se libère de plus en plus. Néanmoins, les parents sont toujours soumis à une certaine pression, sociétale, mais également personnelle, face à l’envie d’être des “parents parfaits”. Pourtant, vous vous en doutez sûrement, cela est impossible ! Marie Costa, coach parental exclame : “Si on était tous parfait, ce serait terrible, nous serions tous des robots !”.

La peur de la solitude

Plusieurs raisons expliquent la peur de se retrouver nez à nez avec son enfant. Parmi elles, la peur de la solitude. C’est d’ailleurs l'une des causes principales de la dépression post-partum. “L’entourage travaille, il y a une sorte de vide qui se crée, avec parfois beaucoup de désolation. Il faut en avoir conscience”, explique la coach. Il est donc important de bien savoir s’entourer, et de ne pas hésiter à faire appel à nos proches, ou bien à des professionnels. “Dans un premier temps, il ne faut pas hésiter à faire appel à son conjoint ou sa conjointe, puis à son entourage”, conseille Marie Costa. Elle ajoute : “Je conseille également d’avoir dans son répertoire une personne qui est tout le temps disponible. Il faut la prévenir, lui dire que puisqu’elle est constamment joignable, on risque de souvent lui faire appel, et qu’il faut qu’elle soit à notre écoute, et là pour nous remonter le moral."

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Peur de s'ennuyer avec son bébé

La peur de la solitude s’accompagne aussi souvent de celle de l’ennui. Il ne faut donc pas hésiter à poursuivre certaines de ces activités, et pourquoi pas les adapter un peu pour les faire avec bébé. Par exemple, si vous aimez courir, vous pouvez faire un plus petit tour, mais en courant avec la poussette ! “Vous pouvez également aller dans les jardins publics, ou bien dans des cafés-parents, ce sont de bons moyens pour créer du lien. Vous pouvez aussi faire un programme d'activités, et profiter de ce temps seul pour faire des choses qui vous font plaisir, et que vous vouliez faire depuis longtemps”, préconise la coach. Cela peut se traduire par des activités simples, comme finir un livre ou écouter votre musique préférée. Quoi qu’il en soit, comme le dit Marie Costa : “Il faut remplacer l’ennui par le plaisir”.

Être parent : un nouveau rôle

Même si c’est le rôle de votre vie, être parent est plutôt déstabilisant. Déjà, vous allez vous retrouver seul(e) face à un être que vous ne connaissez pas. Le docteur Fanny Jacq, psychiatre et directrice de santé mentale chez Qare, rassure sur ce sentiment : "Même si c’est votre bébé, vous vous retrouvez tout de même avec quelqu’un que vous ne connaissez pas, 24h /24. On n’a pas ses codes, on peut avoir du mal à communiquer avec lui, et on culpabilise de ne pas avoir ce fameux lien d’attachement. Mais c’est tout à fait normal, parfois les liens se crées au fur et à mesure". Donc pas d’inquiétude si vous avez peur de rester avec bébé, la vie ce n’est pas comme dans les films, et l’instinct maternel ou paternel n’est pas inné.

Ne pas savoir s’occuper de son bébé

Un bébé est un petit être très fragile. Il est complètement dépendant de vous, et demande toute votre attention. Cela peut faire très peur ! Surtout qu’il n’est pas livré avec un manuel d’explication. “Les parents peuvent avoir peur de ne pas être à la hauteur. C’est parfois compliqué pour eux”, affirme Marie Costa. En effet, changer une couche, donner le bain, faire un biberon, ce n’est pas inné. Et les parents culpabilisent parfois de ne pas savoir faire, et n’osent pas demander de l’aide. Pourtant, il n’y a aucune honte à cela ! Personne ne vous a jamais appris à faire, il est donc normal de ne pas avoir tout de suite les bons gestes. “La société nous renvoie le message que nous devons être des parents parfaits. Or s’occuper d’un bébé n’est pas facile. Les parents peuvent se sentir seuls, démunis, et sans espoir, et culpabilisent face à leurs sentiments”, constate la coach parentale. Il est alors possible de faire appel à des professionnels de santé, comme des sages-femmes. Il n’y a aucune honte à cela ! Il est parfois essentiel de se faire aider. Surtout que s’occuper d’un bébé peut représenter un poids constant sur nos épaules. Il faut tout le temps être vigilant, et cela est épuisant. Sans compter que le manque de sommeil est un autre des principaux problèmes des jeunes parents. “Il n’est pas toujours évident pour les parents de répondre à leurs besoins, et à ceux du bébé”. C’est pour cette raison que demander de l’aide est parfois nécessaire. Certaines nurses proposent même de passer la nuit chez vous, pour vous permettre de dormir sans interruption, ne serait-ce qu’une fois !

Les phobies d’impulsion

On ose en parler : j'ai peur d'être seul(e) avec mon bébé

La peur de ne pas savoir s’occuper de son nourrisson, peut aussi se manifester par la crainte de lui faire mal. Le post-partum est une période difficile, et les parents sont souvent épuisés. Ils ne se reposent plus, ils pensent tout le temps à leur enfant, agissent parfois de manière mécanique… Parfois, les parents on ce que l’on appelle des « phobies d’impulsions » : "Ils ont peur de faire mal à leur bébé, de façon intentionnelle ou accidentelle", explique la directrice de la santé mentale chez Qare. Elle poursuit : "Il arrive qu’ils aient des flash visuels du bébé qui tombe par la fenêtre ou de la table à langer. Cela est très effrayant, ils ont l’impression de devenir fou". En réalité, d’après le docteur, ce phénomène est assez fréquent, et touche de nombreux parents. Néanmoins, à cause de la honte, de la peur du jugement et de la culpabilité, personne n’en parle. Or, il est essentiel de s’exprimer sur ce que l’on ressent. Cela vous permettra de vous rendre compte que vous n’êtes pas seul, et lèvera le tabou. Votre entourage et les professionnels de santé pourront également vous rassurer sur le fait que cela ne fait pas de vous de mauvais parents."Ce n’est pas parce qu’on a ce genre de pensée, que l’on va faire du mal à son enfant. Au contraire, cela veut dire que l’on est préoccupé par son bébé, parce qu’on y pense tout le temps, donc que l’on est un bon parent", rassure le docteur Jacq. C’est un peu comme si votre corps vous envoyait des signaux d’alerte, c’est le signe qu’il faut se reposer et prendre du temps pour soi.

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Le regret d’être parent

La confiance en soi est une des clefs qui va vous permettre de ne plus avoir peur d’être seule avec votre bébé. Car cette crainte reflète souvent une peur interne. “On manque de confiance en soi, on est pas le parent que l’on voudrait être. Certains éprouvent même le regret d'être parent. Et ils ont honte de penser ça ! Car personne ne nous dit que c’est possible d’avoir ce genre de pensées”, affirme la professionnelle. Pour reprendre confiance en soi, et en sa capacité de parents, il est primordial d’apprendre à accepter ses émotions : “Il faut accepter que l’on est perdu(e), deçu(e) et qu’on ne sait pas quoi faire. Il ne faut pas refouler ses émotions, sinon on finit par exploser”. En effet, vouloir être trop parfait, et ne pas s'écouter, peut rapidement conduire au burn-out. Vous pouvez en effet voir votre bébé comme la source de tous vos problèmes, qu’ils soient physiques ou psychiques. En effet, il ne faut pas oublier que le corps après la grossesse est un peu différent. “Pour aider les parents, je leur demande de dessiner leur silhouette, et de m'expliquer à quel endroit se manifeste les différentes émotions, de manière à ce que l’on puisse travailler dessus”, explique Marie Costa.

Prendre soin de soi pour prendre soin de son bébé

Autre point très important : vous ne pouvez pas prendre soin de votre bébé, si vous ne pouvez pas prendre soin de vous. Veillez à ce que tous vos besoins soient satisfaits : “Par exemple, une mère qui n’a pas mangé, ne peut pas allaiter correctement son enfant”. Marie Costa utilise la métaphore du crash : “Lorsqu’un avion est sur le point de crasher, les hôtesses de l’air disent aux parents de mettre en premier le masque à oxygène sur eux, avant de le mettre à leurs enfants. Car s' ils ne sont pas en sécurité, ils ne pourront pas prendre soin d’eux”. La, c’est un peu la même chose, si les parents ne sont pas à l’écoute de leurs besoins, ils ne pourront pas être à l’écoute de ceux de leurs enfants. Prenez soin de vous, et faîtes le deuil du “parent idéal” que vous avez souhaité être. “Si je suis face à un parent qui ne se pose pas de question, je vais avoir des doutes. Tout ne peut pas aller bien tout le temps. Il est normal et important d’avoir des doutes et des peurs”, explique t-elle. Marie Costa conclut : “Ce n’est pas le parent qui à toutes les bonnes réponses qui m’importe, c’est celui qui a toutes les bonnes questions”. Et n’oubliez pas qu’en cas de questions, vous pouvez vous tourner vers des médecins, des sages-femmes, ou bien des coach parentaux.

Témoignage : "J'avais peur d'être une mauvaise mère"

Gaëlle est maman de quatre enfants. Si elle est aujourd'hui très épanouie dans son rôle de maman, la maternité n'a pas toujours été facile. Si elle a longtemps eu honte des difficultés éprouvées, elle en parle aujourd'hui sans tabou, sur son blog "Gagou et sa tribu" :"Quand ma première fille est née, c’était un peu le bébé parfait, elle ne pleurait jamais. Quand son frère est arrivé, c’était un bébé aux besoins intenses, qui pleurait énormément. J’avais tout le temps peur de me retrouver seul avec lui d’être incapable de gérer. Je ne comprenais pas pourquoi j’avais réussi avec sa sœur et pourquoi pas avec lui. C’est son papa qui a beaucoup géré à ce moment-là. Peut-être parce qu’il était moins stressé ? Pour ma part, j’angoissais tout le temps, j'avais peur de ne pas savoir pas répondre à ses besoins et donc, je fuyais les moments où je pouvais me retrouver seule avec lui. Lorsque je faisais appel à des professionnels, ils me disaient de le sevrer de la tétine, de le laisser pleurer…

Quand je me retrouvais en tête-à-tête avec lui, je craignais d’être une mauvaise mère, je n’avais même pas le temps de prendre ma douche. Cela a été une descente aux enfers au niveau de la maternité. J’ai peut-être fait une dépression à ce moment-là, je ne sais pas, car à cette époque-là (il y a 14 ans), on n'en parlait pas encore. Le fait qu’il ne pleure jamais avec son papa, m’a aussi fait me poser des questions. Sans compter le regard des autres, qui rajoute encore plus de culpabilité. J’ai pris confiance en moi en tant que maman, avec mon troisième enfant, ou j’ai appris à m’écouter moi, et pas ce que la société disait. Avant, j’avais honte, mais là, j’ai réussi à m’approprier à nouveau mon rôle de maman. Mon quatrième enfant pleurait aussi beaucoup, mais j’étais prête. Je me suis affirmée en tant que maman, je m’en fichais du regard des autres. Ensuite, ça n’allait pas trop avec mon mari, mais j’ai tout fait pour le retenir, car j’avais un peu peur de rester seul avec mes quatre enfants, surtout que le dernier était encore petit. Finalement, je me suis rendue compte que j’avais une force incroyable en moi, et tout se passe bien. Je conseille vraiment à tous les parents qui ont peur d’être seul avec leur enfant de ne pas avoir honte et d’en parler. Il n’y a pas de mère parfaite, il faut écouter son cœur, et prendre confiance en soi en tant que parent."

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