[Conseil d'expert]« Écorner jeune, avec une bonne contention, puis prendre en charge la douleur »

[Conseil d'expert]« Écorner jeune, avec une bonne contention, puis prendre en charge la douleur »

P our la sécurité des opérateurs et des animaux, nombreux sont les éleveurs bovins qui écornent leurs veaux. En effet, cela limite les risques lors des manipulations et ça limite également la compétition et le risque de blessures dans le troupeau (animaux cornus dominants). Un sondage réalisé auprès des lecteurs de Web-agri révèle que près de 80 % des éleveurs écornent leurs veaux (voir sondage en bas de page).

Écorner avant 2 mois d’âge

Vincent Dufour, de l’Institut de l'élevage, intervient régulièrement auprès des éleveurs par le biais de formations. Il préconise d’écorner les veaux le plus tôt possible : « On parle d’ébourgeonnage. En effet, avant les deux mois de l’animal, le veau présente un bourgeon cornual (le cornillon) qui, contrairement à la corne du veau adulte, n’est pas rattaché à l’os du crâne. Il faut alors agir avant que ce bourgeon ne se soude à l’os du crâne car la zone sera ensuite très vascularisée. L’objectif est d’être le moins intrusif possible pour limiter la souffrance de l’animal. »

La réglementation française n’impose rien aux éleveurs. En revanche, le Conseil de l’Europe recommande de réaliser une anesthésie locale ou générale pour l’ébourgeonnage et l’écornage des animaux de plus de 4 semaines. L’expert commente : « L’anesthésie est réalisable sur des veaux laitiers car on peut les coincer aux cornadis. On attache plusieurs veaux et on réalise ensuite la piqûre. Le produit agit en quatre minutes environ, ce qui permet d’enchaîner avec l’écornage du premier veau après avoir piqué le dernier attaché. En revanche, c’est plus compliqué en allaitant où on ne peut (en général) pas coincer les animaux individuellement, d’où l’importance de s’y prendre avant 4 semaines d’âge. Pour ce faire, il faudra tout de même se munir d’une cage de contention adaptée. »

« Pour rappel, l’écornage consiste à brûler le cornillon. La brûlure persiste alors après avoir enlevé le fer. Pour refroidir et nettoyer la plaie, on peut appliquer un désinfectant frais (bombe à placer au réfrigérateur) ou simplement de l’eau savonneuse froide. Il faudra ensuite prendre en charge la douleur de l’animal via un anti-inflammatoire. On fait pour cela une injection sous-cutanée. Là aussi, plus le veau est écorné jeune, plus la dose d’anti-inflammatoire à injecter sera faible et donc économique. » Vincent Dufour préconise également de mettre de l’anti-mouche en période estivale mais de l’appliquer autour et non pas sur la plaie.

Une bonne MAÎTRISE du matériel est essentielle

La destruction du cornillon se fait par cautérisation. Le spécialiste cite alors les différents matériels disponibles sur le marché : « L’éleveur peut utiliser un écorneur à tête céramique. Il lui faudra agir sur des veaux jeunes (15 jours max) pour être le plus efficace possible. Plus le veau sera jeune et plus l’application sera rapide. Il existe aussi des fers à gaz ou électrique. Pour ce dernier, il faudra s’équiper d’un transformateur entre la prise et l’écorneur. Le fer à gaz peut quant à lui être autonome ou pas, l’encombrement ne sera pas le même dans les deux cas. »

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Certains éleveurs préfèrent la cautérisation chimique. Ils utilisent pour cela une pâte caustique. « Cette méthode s’applique uniquement sur des veaux de moins de deux semaines et n’est pas réalisable en allaitant. En effet, elle présente des risques de brûlure : l’éleveur doit porter des gants pour appliquer le produit et le veau ne doit pas être relâché trop vite au risque de brûler ses congénères ou sa mère s’il essaie de la téter. »

Selon le sondage paru sur Web-agri du 27 novembre au 4 décembre 2018 (résultats en bas de page), les éleveurs privilégieraient le fer, qu’il soit électrique ou à gaz (66,5 % des répondants). La pâte à écorner ne semble quant à elle pas faire l’unanimité car seulement 12,1 % des répondants l’utilisent. Autre alternative : 17,2 % des éleveurs ayant répondu au sondage préfèrent laisser les cornes et 4,2 % ne se posent pas la question puisqu’ils sélectionnent le gène sans cornes.

Maximiser la réussite de l’écornage grâce à la contention

« L’idéal est de se créer une habitude pour écorner régulièrement, préconise l’expert. On peut associer cette tâche à l’identification des veaux par exemple. » Il insiste également sur l’importance de la contention : « Il faut vraiment pouvoir immobiliser la tête du veau pour pouvoir intervenir le plus facilement et le plus rapidement. » En race laitière, on peut ajouter un anneau sur le cornadis des veaux ou attacher l’animal au licol. En allaitant par contre, la cage de contention est indispensable. D’ailleurs, mieux vaut habituer le veau à y passer avant l’ébourgeonnage pour limiter son stress.

« Un éleveur allaitant plein air de mon secteur s’est équipé d’une cloche qu’il atèle à son tracteur pour isoler le veau de sa mère et le manipuler en toute sécurité. Grâce à cet outil, il agit dès la naissance : il le pèse, le boucle, l’écorne et lui désinfecte le nombril. C’est devenu une habitude. », témoigne Vincent Dufour.

L’institut de l’élevage publiait en 2016 une fiche technique intitulée Ecorner les jeunes bovins efficacement, facilement et sans douleur. Elle recense les sept étapes de l’ébourgeonnage thermique :

- Contenir le veau

- Tondre le cornillon pour bien repérer le bourgeon cornual, limiter l’encrassement du fer et les risques infectieux et visualiser l’anneau de cautérisation après l’ébourgeonnage

- Ébourgeonner avec le bon matériel (choisir la taille d’embout adaptée au diamètre du cornillon)

- Vérifier la cautérisation (un anneau blanc continu doit être visible autour du bourgeon)

- Désinfecter la plaie à l’aide d’un spray antiseptique

- Contrôler l’état de la plaie

- Surveiller les animaux ébourgeonnés pendant les jours qui suivent l’intervention (vérifier l’évolution de la plaie, surveiller les signes de douleur et l’état du beau)

Vincent Dufour conseille les éleveurs : « Il faut vraiment maîtriser son matériel, apprendre à écorner pour ne pas brûler l’animal. Il faut aussi s’habituer si on change de matériel et ne pas hésiter à aller voir d’autres collègues qui écornent pour se rendre compte des pratiques. Un écornage raté se verra bien sûr par la suite si la corne finit par sortir. En revanche, on peut apercevoir quelques saignements lors de l’ébourgeonnage si le fer touche la veine cornuale. Parfois, le veau se cogne à côté de la zone cautérisé en se tapant au cornadis et ça se met à saigner. Dans ce cas, on peut faire un point de compression et appliquer une poudre coagulante. Pour vérifier que l’écornage est bien fait, on inspecte la plaie : l’anneau doit être bien visible et la peau doit se décoller autour du bourgeon. En revanche, il ne faut pas arracher le cornillon après l’ébourgeonnage, il tombera tout seul par la suite. »

Écorner des bovins adultes ? Se tourner plutôt vers le gène sans cornes…

Lorsque des éleveurs s’associent et qu’il y a regroupement des troupeaux, certaines bêtes à cornes peuvent entrer dans un cheptel écorné. Bien souvent, ces dernières deviennent dominantes. Dans ce cas, les éleveurs prennent parfois la décision de les écorner. Mais comment bien écorner des animaux adultes ? À ce sujet, Vincent Dufour est clair : mieux vaut éviter d’écorner. « Sur des adultes, l’écornage est très invasif. Il faut absolument prendre en charge la douleur par une anesthésie. »

Coupe corne hydrolique, scie fil, scie électrique… : pas de préférence au niveau du matériel. « La douleur étant à prendre en charge obligatoirement, le matériel importe peu. Il doit être rapide et efficace. » En revanche, le spécialiste avertit : « Il ne faut pas écorner d’animaux adultes en les contenant aux cornadis. C’est un endroit où les vaches sont censées manger, donc qu’elles aiment. Il ne faut pas l’associer à la douleur. On peut attacher une vache aux cornadis pour lui faire un vaccin par exemple car ça n’est pas invasif mais il vaut mieux éviter d’y effectuer des manipulations douloureuses. Dans ce cas, il faut bloquer la vache dans une cage de contention. » Une fois l’écornage réalisé, il faut obligatoirement désinfecter et faire un garrot car les saignements peuvent être abondants. Celui-ci est à enlever au maximum 8h après l’intervention pour éviter que le morceau de corne restant ne tombe.

S’il est vivement déconseillé d’écorner des animaux adultes, se tourner vers le gène sans cornes permet de ne plus avoir à se poser la question. Selon le formateur, « le gène sans cornes tend à se vulgariser. Il sera à l’avenir une alternative à l’écornage. » Certains éleveurs l’ayant testé prétendent cependant que les animaux sans cornes seraient plus vifs, voire trop fougueux parfois. « Pour introduire le gène sans corne dans nos races françaises, il a fallu intégrer d’autres races, notamment anglo-saxonnes, aux schémas de sélection français. Ce mélange a effectivement donné des animaux avec plus de jus. », explique enfin l’expert.

N.B. : Les résultats de ce sondage sont indicatifs (l’échantillon n’a pas été redressé).