Urgent : recherche hommes ou femmes aimant enseigner

Urgent : recherche hommes ou femmes aimant enseigner

Cette année encore, malgré une diminution globale depuis 2016 du nombre de postes à pourvoir, la profession d’enseignant n’a pas fait le plein. Ainsi, 1 167 postes étaient proposés au Capes externe de mathématiques, mais seuls 1 067 candidats ont été admis. En allemand, 66 des 222 places n’ont pas été pourvues.

Pourtant, historiquement, lorsque letaux de chômage augmentait, la fonction publique constituait un refuge et les candidats affluaient.

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« C’est moins vérifié aujourd’hui, ce nombre semble moins sensible aux effets conjoncturels du marché de l’emploi », nuance Pierre Périer, professeur en sciences de l’éducation à l’université Rennes 2.

Enseignement primaire : des difficultés locales

Côté primaire et concours de professeurs des écoles, certains territoires souffrent. En 2020, dans l’académie de Créteil, 1 557 candidats se sont présentés aux écrits pour… 1 520 places. Finalement, 1 082 ont été admis. A Versailles, la même année, le déficit de professeurs des écoles était de 343.

Mais l’inquiétude déborde aujourd’hui les seules académies en déficit chronique. Ailleurs, le ratio candidats présents/postes a chuté : 2,4 à Amiens, 2,3 à Paris, 2,2 à Dijon… (contre respectivement 5,3, 4,8 et 5,5 en 2010). Une situation qui fait craindre à de nombreux acteurs de l’éducation une baisse des exigences au concours. D’autres académies telles que Bordeaux, Toulouse, Nantes ou Montpellier, a contrario, ne connaissent pas la crise.

Recrutement de professeur des écoles : des académies inégalement loties

Taux de couverture* et nombre de candidats par postes en 2020 dans quelques académies

* Proportion de postes ouverts au concours qui ont été pourvus. Lecture : en 2020, l’Académie de Corse a pourvu 87,9 % des postes qu’elle offrait au concours de professeur des écoles. Il y avait 3,8 candidats pour un poste.

Source : DEPP

Urgent : recherche hommes ou femmes aimant enseigner

Autrice du rapport « Le métier d’enseignant en France : une attractivité en déclin » de la Fondation Jean-Jaurès, l’économiste Mélina Hillion voit dans la réforme du recrutement de 2011 une première explication à cette baisse. Depuis, la licence ne suffit plus : il faut impérativement obtenir un master pour exercer en tant queprofesseur titulaire dans le primaire ou le secondaire.

En ce sens, la réforme de la formation initiale déplaçant le concours du Capes de la fin du master 1 à la fin du master 2 et retarde la titularisation n’annonce rien de bon pour les prochaines années (ce sera à lire dans le prochain épisode de cette série).

Secondaire : les Yo-Yo de l’attractivité

Cependant, pour Pierre Périer, le déclin de l’attractivité de cette profession est plus ancien.

Il y a bien eu une éclaircie sous le mandat de François Hollande : l’augmentation sensible du nombre de postes proposés aux concours avait envoyé un signal positif qui s’était mécaniquement converti en une hausse du nombre de candidats, même si, finalement, tous les postes n’avaient pas été pourvus.

Concours de l’enseignement secondaire : une attractivité sensible à la conjoncture

Nombre de candidats par poste au Capes externe (toutes disciplines) Source : DEPP

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron et de son ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, le nombre de postes proposés au concours a fortement baissé, passant par exemple pour le Capes externe de 7 315 en 2017 à 5 490 en 2020 (ces deux dernières années, le ministre a néanmoins de nouveau augmenté les places d’enseignants pour le primaire, conséquence notamment des dédoublements de classe). Et la chute du nombre de candidats aux concours a repris de plus belle.

Au-delà du salaire

Pour expliquer cette tendance plus durable, les syndicats avancent l’argument d’un salaire parmi les plus faibles en Europe. La prime d’attractivité mise en place cette année à la suite du Grenelle de l’Education et qui sera revalorisée en 2022 ne devrait pas changer radicalement la donne1. « Ce n’est pas ce qui va pousser les étudiants à se tourner finalement vers le métier d’enseignant », estime Guislaine David, du SNUipp.

De fait, si le salaire était aussi primordial, on ne comprendrait guère les différences de recrutement entre les académies ou entre disciplines. Les conditions de travail, inégales selon les territoires, jouent aussi en défaveur du métier. Des incitations financières sous forme d’indemnités ont bien été mises en place dans les établissements de l’éducation prioritaire mais elles ne permettent pas à ce jour d’enrayer la chute

Le manque de débouchés freine tout autant les ardeurs des étudiants. « Il y a un phénomène d’anticipation de carrière. On s’imagine moins être enseignant toute la vie. Or, les potentiels candidats, voyant le peu d’alternatives et de perspectives dans cette carrière, se disent qu’ils ne vont peut-être pas s’embarquer dans ce métier et réfléchissent à autre chose », explique Pierre Périer.

D’autant plus que l’offre de formation s’est considérablement diversifiée et que les opportunités sont plus nombreuses pour les étudiants. « On peut s’étonner par exemple que les anglicistes se détournent du métier alors qu’il y a quelques années, l’enseignement constituait pour eux l’un des principaux débouchés. Mais aujourd’hui, l’anglais est une compétence recherchée et de nouvelles perspectives s’ouvrent aux diplômés », ajoute le chercheur. C’est vrai pour l’anglais, mais aussi désormais pour nombreuses autres disciplines.