"Le lait entier est moins bon pour la santé que le demi-écrémé": un préjugé ?

"Le lait entier est moins bon pour la santé que le demi-écrémé": un préjugé ?

Cette idée est bien ancrée dans notre mentalité. On nous l’a ressassé depuis plusieurs décennies : pour garder la ligne, préférez du lait demi-écrémé. Ce sont d’ailleurs les mots que l’on trouve dans la plupart des magazines féminins, par exemple. Or, plusieurs études, dont l’une réalisée par une équipe canadienne, ont remis en question ce postulat.

Demi-écrémé ne veut pas dire "moitié moins de crème"

Pour comprendre leur analyse, il faut d’abord rappeler ce qui se cache sous ces deux appellations. Comme l’explique le magazine Contrepoints, le "vrai" lait entier, c’est-à-dire non normalisé, est un lait dont la teneur en matière grasse n’a pas été modifiée depuis la traite. Il est seul à justifier l’appellation de lait entier, et pourtant ce n’est pas celui que l’on trouve dans les magasins alimentaires au sein de l’UE.

En effet, les laits mis en vente dans l’Union sous les appellations " lait entier ou lait demi-écrémé " sont en réalité des laits entiers ou demi-écrémés dits "normalisés" sans que cela soit spécifié sur l’emballage. Ces appellations sont donc ambiguës. En réalité, le lait étiqueté "lait entier" est un lait qui a été totalement écrémé et auquel on rajoute de la crème pour le standardiser à 36 g/l de matière grasse. Sachant que la teneur du lait à la sortie de la mamelle peut aller jusqu’à 45 g/l, il y a souvent une modification de ce taux.

Quant au lait demi-écrémé, c’est le même principe. Il n’est pas, comme on pourrait le croire, un lait auquel on aurait retiré la moitié de crème par rapport au lait entier. C’est du lait dont on a retiré toute la crème et auquel on a ensuite rajouté une certaine dose de crème, normalisée aux alentours de 16 g/l. Cette dose ne correspond pas tout à fait à la "moitié" par rapport à la teneur en graisse du lait entier.

Le lait entier pourrait mieux armer les enfants contre l’obésité

Une fois ces termes connus, intéressons-nous aux différentes études sur la matière. Une équipe de chercheurs canadiens a réuni une grande quantité d’études sur le sujet. Cette méta-analyse, menée à l’Hôpital St. Michael de Toronto a pris en compte 28 études menées dans sept pays du monde comprenant au total 20.897 enfants âgés de 1 à 18 ans. Résultat : les enfants qui consomment du lait entier enregistreraient un risque abaissé de 40% de surpoids ou d’obésité en comparaison avec ceux qui boivent du lait demi-écrémé ou écrémé.

Pour expliquer leurs résultats, les chercheurs avancent que le lait entier serait plus riche en vitamine D du fait de la nature liposoluble (c’est-à-dire qui se dissout dans la graisse) de celle-ci. Les chercheurs pensent également que la différence, selon eux, pourrait être la conséquence d’un effet satiétogène plus intense, réduisant ainsi la prise calorique quotidienne totale.

Pas de conclusions trop rapides

En fait, même si les scientifiques ont noté que dix études sur 28 n’avaient pas trouvé de lien entre la consommation de lait entier et un risque abaissé de surpoids ou d’obésité, ils ont aussi précisé qu’aucune étude incluse dans la méta-analyse n’avait montré que les enfants qui buvaient du lait demi-écrémé avaient un risque moindre de souffrir d’obésité et de surpoids.

Autrement dit, rien ne prouve que le lait entier soit meilleur ou pire que le lait demi-écrémé concernant l’obésité. Comme l’a fait remarquer un article de Sciences et Avenir, le travail de ces chercheurs questionne en tout cas les recommandations actuelles pour les enfants du Plan national nutrition santé (PNNS) qui suggèrent de remplacer le lait entier par du lait demi-écrémé en cas de surpoids.

Cette remise en question des grandes idées reçues au niveau de la santé et de l’effet néfastes des graisses ne se cantonne pas qu’au lait. D’autres aliments riches en graisse, comme le beurre, connaissent également ce genre de revirement dans les mentalités, ou du moins chez certains. En témoigne la différence entre ces deux couvertures du Time, éloignées de trente ans d’habitudes alimentaires…