"Be Aware": à la BnF, une exposition retrace une histoire de l'art mondiale et paritaire

"Be Aware": à la BnF, une exposition retrace une histoire de l'art mondiale et paritaire

Jusqu’au 4 juillet 2021, la Bibliothèque nationale de France François Mitterrand accueille "Be Aware. A History of Women Artists", une exposition documentaire gratuite consacrée aux artistes femmes du XXème siècle, que l’association AWARE organise en partenariat avec le Forum Génération Égalité, grand rassemblement féministe mondial initié par ONU Femmes. Co-fondée en 2014 par la commissaire d’exposition et historienne de l’art Camille Morineau, AWARE vise à recenser et faire connaître le travail d’artistes femmes du XIXe au XXIème siècle, et réécrire une histoire de l’art mondiale et paritaire.

C’est la première exposition physique que l’association AWARE organise, notamment grâce au mécénat d’Engie Fondation ou encore la Fondation Chanel. Très active sur Internet, avec un centre de ressources virtuel foisonnant de podcasts, d’images numérisées, d’articles de recherche, d’interviews ou encore de séries de dessins animés, l’association organise également des tables rondes et des colloques en France et à l’étranger. A travers sa première exposition physique, l’association souhaite désormais s’adresser à un public plus large que les cercles universitaires et artistiques dans lesquels elle est déjà connue.

Lire aussi"Women in Art": Christie's met les artistes femmes à l'honneur

Camille Morineau, co-fondatrice d'AWARE, commissaire d'exposition et historienne de l'art spécialiste des artistes femmes

"Créer, montrer, écrire, s'allier"

L’exposition s’articule autour de quatre thèmes que l’association n’a cessé d’explorer depuis ses débuts: créer, montrer, écrire et s’allier. Chacun de ces pôles se décline en différents sous-thèmes et soulève des problématiques spécifiques.

"Je voulais que plusieurs couleurs se croisent pour symboliser la diversité des artistes femmes représentées", la designer matali crasset

Alors que dans les galeries européennes et nord américaines seulement 13,7% des artistes vivant.e.s représenté.e.s sont des femmes - bien qu’elles représentent 60% des diplômé.e.s d’écoles d’art des deux côtés de l’Atlantique, comment faire connaître le travail des femmes artistes? Est-ce pertinent d’organiser des expositions exclusivement féminines, alors que certains y voient une "ghettoïsation" des femmes? L’importance du collectif et de la solidarité féminine est également mise en lumière: face à leur exclusion des discours de l’histoire de l’art et des institutions culturelles - et de la plus grande précarité qui en découle - les artistes femmes se sont organisées et ont créé leurs propres espaces de création et d’exposition. C’est par exemple le cas des Guerilla Girls, en guerre contre l’invisibilisation des femmes et des personnes racisées dans l’art contemporain depuis 1985. Le collectif féministe s’est notamment fait connaître par la réalisation d’une affiche placardée sur les bus et les murs de New York en 1989: "Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum? Moins de 5 % des artistes de la section d’art moderne sont des femmes, mais 85 % des nus sont féminins." Des commissaires d’exposition, universitaires et collectionneuses - comme Peggy Guggenheim ou encore Linda Nochlin - sont également mises l’honneur dans leur rôle de passeuses militantes qui ont oeuvré à rendre les artistes femmes visibles.

Lire aussi"Femmes en regard": cette exposition rend hommage aux femmes photographes

Le collectif féministe masqué des Gorilla Girls, papier photographié par l'artiste Louise Nelson

Une exposition grand public

Avec un mobilier aux couleurs pops, léger mais solide, l’exposition a été pensée pour être itinérante, modulable et facilement démontable. Car la BnF n’est que la première étape d’un long parcours à travers toute la France et le monde. "Be Aware" prendra ainsi prochainement ses quartiers à Berlin (du 14 juillet au 16 septembre 2021), puis à lacélèbre galerie Tretyakov de Moscou (fin 2021)."L’exposition a été conçue pour sortir des musées, et être montrée dans des lieux divers destinés au grand public, comme des bibliothèques ou encore le Templehof de Berlin qui est un ancien aéroport", commente Anaïs Roesch, chargée de développement international au sein de l’association AWARE. L’interaction avec le public est très importante. Des textes (feuilles, catalogues, livres), que le public pourra librement consulter, seront par la suite également exposés sur les grilles colorées. "Je voulais une scénographie joyeuse qui ne sacralise pas les contenus exposés. Le public doit pouvoir interagir avec l'exposition et toucher les textes" insiste la designer matali crasset qui a pensé la scénographie. "Mon principal défi était d’inclure le maximum de documents mais en restant presque immatériel. Je ne voulais pas de cloisons, ou de cimaises. Je voulais créer des petits îlots et non des murs, pour que des femmes puissent être mises ensemble en présence et échanger", souligne-t-elle.

La peintre mexicaine Frida Kahlo (1907-1954), papier photographié par l'artiste Louise Nelson."

"Une histoire de l’art co-construite et décentrée"

L’exposition - dont les textes ont notamment été écrits par des universitaires, des commissaires et des artistes - sera régulièrement enrichie au fil de ses différentes escales par des acteurs locaux de la vie artistique. L’exposition a été pensée pour s’adapter aux différentes zones géographiques et culturelles qu’elle pourra parcourir, et vise a retracer "une histoire de l’art co-construite et décentrée. L'idée est que cela puisse parler à différents publics avec des références culturelles qui leurs sont propres", affirme Anaïs Roesch, qui a créé un programme composé de treize universitaires internationaux qui travaillent en collaboration avec l’association AWARE.

Lire aussi Qui sont ces femmes qui comptent dans le monde de l'art?

Olabisi Obafunke Silva (1962-2019),conservatrice d'art contemporain nigériane et mentor de nombreux artistes. Elle a fait connaître de nombreuses femmes photographes et a consacré les dernières années de sa vie à réhabiliter les artistes nigérianes de l’après-indépendance.

Afin de toucher un public nombreux et international, une application numérique a également été développée par l’association afin de rendre accessible l’intégralité de l’exposition disponible en cinq langues.