Doit-on forcément aimer sa famille ? - Magicmaman.com

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Par Chloé Thibaud
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Les liens du sang riment-ils toujours avec sentiments ? Faut-il se forcer à passer les fêtes avec ses proches, supporter les remarques désobligeantes de ses parents, oncles ou tantes ? Les réponses d’Agnès Verroust, psychologue.

“Quand mes parents me demandaient de faire des efforts avec ma famille, je disais que, pour moi, c'était comme d'aller faire un gros câlin au voisin que je vois une fois l’an quand on sort les poubelles en même temps.“ Nora a 26 ans et elle assume : en dehors de son père, sa mère et sa sœur, elle n’est pas proche du tout de sa famille. “Je n’ai pas de haine contre eux mais disons que je les salue avec politesse. Quand je les vois, le moindre de mes gestes est calculé. Il faut arrêter de dire que les liens du sang pèsent plus dans la balance que les liens d’amitié. Si on n’est pas dans une démarche de vraie affection mutuelle, on n’a pas à construire quoi que ce soit.“ Finalement, ce discours est assez fréquent mais rares sont celles et ceux qui osent le porter. Comment l’expliquer ?Doit-on forcément aimer sa famille ? - Magicmaman.com Doit-on forcément aimer sa famille ? - Magicmaman.com

Ne pas aimer sa famille, c’est tabou !

Pendant longtemps, la famille et le couple n’avaient pas grand chose à voir avec les sentiments. Ces liens étaient maintenus par le respect et par un certain nombre de devoirs. “Avec le développement de l’individualisme, les contraintes ont été moins bien tolérées et on a commencé à placer l’amour au-dessus du reste, explique la psychologue Agnès Verroust. Ce sentimentalisme est relativement moderne. Pour autant, ce ne sont pas forcément les liens du sang qui induisent des sentiments - la preuve avec l’adoption.“ Pour des raisons d’éducation, de valeurs partagées (“la famille, c’est sacré !“) ou simplement d’affinités, certaines familles sont plus proches que d’autres. “Un tabou persiste car la famille est une valeur de notre société qu’on a du mal à interroger, commente la spécialiste, dans la mesure où, si on peut changer de voisins ou d’amis, on ne peut pas changer de famille. On se dit qu’il faut faire avec.“ Une mission qui s’avère difficile quand le courant ne passe plus… ou qu’il y a de l’électricité dans l’air.

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"J’ai coupé les ponts avec mon père et c’est un soulagement immense"

Pour la troisième année consécutive, Victoria refuse de passer Noël avec ses parents. “Mon père est toxique depuis l’enfance, et je ne me suis jamais entendu avec lui, confie la jeune femme de 28 ans. Je sais que ça affecte beaucoup ma maman mais j’ai décidé de ne plus passer les fêtes avec eux. Noël a toujours été un souvenir désastreux car soit mon père était de très mauvaise humeur et ça se passait mal, soit on n’était que tous les quatre avec mon frère, on dînait assez tôt, on ouvrait les cadeaux puis chacun allait dans sa chambre, ce qui n’était pas très joyeux. J’ai coupé les ponts avec mon père il y a un an maintenant et c’est un soulagement immense. J’ai décidé d’arrêter de faire semblant, et mon frère est sur le point de suivre la même voie. Bien que ça rende ma mère triste, je ne regrette pas car moi je me sens beaucoup mieux comme ça.“

Réunions de famille : pourquoi ça coince ?

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Les raisons pour lesquelles on ne s’entend pas avec sa famille sont multiples, allant de la simple divergence d’opinions à la maltraitance. “Quand on n’aime pas sa famille, c’est qu’en général elle a des torts, précise Agnès Verroust. Il y a la maltraitance, mais surtout la malveillance, malheureusement, que j’observe beaucoup plus souvent que je ne le trouve acceptable. Cela peut être des parents qui ne tolèrent pas l’homosexualité de leur fils, la vie sexuelle de leur fille, ou encore des frères et sœurs jaloux ou dans l’absence totale d’affinités, parfois à cause de la différence d’âge.“ Dans ces situations, faut-il faire davantage d’efforts envers ses proches qu’on en ferait avec ses amis ? “Je ne sais pas s’il le faut, répond la psychologue, mais, en tout cas, quand on se sent obligé de participer à tel ou tel événement, notamment en fin d’année, ça nous demande clairement plus d’efforts que d’aller à une soirée avec des amis.“ Selon elle, il peut être nécessaire de “prendre sur soi“ quand le problème ne concerne qu’un seul membre du groupe. “Je dirais qu’il n’y a pas de raison de se priver soi et de priver toute la famille d’un moment de fête à cause d’une seule personne. Mais si le conflit est général, bien sûr, il n’y a pas de raison de se forcer.“

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Comment faire face à son oncle misogyne ou sa cousine raciste

Si, malgré toutes vos appréhensions, vous avez décidé de maintenir le lien, vous vous retrouverez peut-être à table, face à votre tonton pas très féministe et votre cousine raciste. Pas simple, dans ces cas-là, de garder son sang froid. “Avant de débattre, je conseillerais de tenir compte de la capacité de l’autre à entendre vos arguments, et de vos propres capacités à en développer, prévient Agnès Verroust. Quand on entend toujours les mêmes rengaines, on peut s’y attendre et pourquoi pas préparer quelques répliques bien senties qui réduiront l’interlocuteur au silence. Mais au moment des fêtes, surtout quand on a un peu bu, notre gestion émotionnelle est moins bonne.“ En clair, réfléchissez bien avant de parler… car vous pourriez le regretter.

Couper les ponts avec sa famille : la peur du regret

En effet, le regret et la culpabilité sont deux sentiments fréquemment cités dans les témoignages sur le sujet. Alexandra, par exemple, s’en veut de ne pas ressentir un fort attachement envers sa famille. “Globalement, ils et elles ne me manquent pas et je ne ressens pas de tristesse particulière à ne pas être avec ma famille, exprime-t-elle. Je pense que je ne les aime pas assez, mais je me pose la question : est-ce que je suis une bonne personne ? Est-ce que c’est normal d’être comme ça ? Est-ce que je ne vais pas le regretter quand ils vont décéder ? Je me dis aussi que ma grand-mère vieillit, que ma mère a eu une attaque cette année, et que passer Noël avec elles, c’est ‘le truc à faire’, ce qui est attendu de moi…“ En entendant ce témoignage, Agnès Verroust réagit immédiatement à la question de la mort des proches. “C’est quelque chose qui se raconte beaucoup quand on parle des disputes familiales. Il y a toujours quelqu’un qui va dire ‘Tu le regretteras quand il ou elle ne sera plus là’. Mais ce n’est pas vrai. Ce qu’on va regretter, c’est de ne pas avoir fait le maximum. Si on a l’impression d’avoir donné ce qu’on avait à donner et que l’autre ne s’est pas accroché, il ne faut pas culpabiliser“. Et notre spécialiste de conclure : “Une seule personne ne doit pas se sentir responsable de tous les échecs de sa famille.“

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